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Texte de Christiane Laforge
lu à la présentation de Jérémie Giles
au Gala de l'Ordre du Bleuet, le 15 juin 2013

Reconnaître l’excellence, la qualité supérieure de la démarche artistique, reconnaître l’implication exemplaire à l’enseignement, la diffusion et la promotion des arts et de la culture, voilà pourquoi Jérémie Giles a fondé la Société de l’Ordre du Bleuet.

Toute son existence, cet homme a été un bâtisseur, laissant des traces tangibles de son passage du nord au sud du Québec, de l’est en l’ouest jusqu’en Ontario. Mais c’est l’exceptionnel dynamisme culturel de sa région d’adoption qui a convaincu ce grand défenseur des arts et du patrimoine qu’il était temps de créer un ordre de prestige dédié exclusivement à rendre hommage aux personnes ayant contribué de manière exemplaire à la richesse culturelle du Saguenay–Lac-Saint-Jean.

Bien avant de devenir citoyen du Saguenay, Jérémie Giles y avait plusieurs fois jeté l’ancre, non seulement en y exposant ses créations, mais en créant des liens étroits avec les artistes dont il a diffusé les œuvres dans ses galeries et centres d’art, comme Jean-Guy Barbeau, Hélène Beck, René Gagnon, Jean Laforge, Léo-Paul Tremblé.

À peine installé dans son atelier de Jonquière, il a contribué à la vie culturelle du Saguenay et du Lac-Saint-Jean, sculptant les bustes de plusieurs personnalités, agissant comme commissaires à des rétrospectives et contribuant à des réalisations commémoratives. M. Giles incarne le dynamisme de cette région et cette implication exemplaire si chère à l’Ordre qu’il a fondé.

Né à Cambridge Massachusetts le 13 février 1927, Jérémie Giles a manifesté très tôt un intérêt soutenu pour les arts visuels, la musique, les sciences de la terre, l’histoire, les relations ouvrières, le droit, la politique.

Nommé à des postes de direction dans des entreprises et services de santé, retraité de la fonction publique où il occupait la fonction de commissaire à la Commission municipale du Québec, Jérémie est surtout connu comme animateur culturel et scientifique. Il a construit, dirigé et animé le réputé Centre d’Art Manicouagan à Hauterive de 1958 à 1971. De nombreux artistes y ont exposé, tandis que poètes et musiciens y donnaient des spectacles. Passionné d'histoire et de sciences naturelles, il a réalisé deux importants centres d'interprétation des sciences de la terre, dont l'Économusée de Hull inauguré en 1997. La ville reconnaissante a d’ailleurs fixé une plaque en hommage à M. Giles au mur extérieur de l'ancien château d'eau de Gatineau.

Créateur de plusieurs dessins armoriaux et de monuments publics pour des villes québécoises, notre région a hérité de plusieurs de ses sculptures comme les bustes de Pierrette Gaudreault à Jonquière, de Jean-Paul Lapointe à Chicoutimi, de Jean Laforge à Sainte-Rose-du-Nord ainsi que de la sculpture plain pied du hockeyeur Pierre Pilote de Kénogami. Successeur attitré de l’initiateur du circuit des bronzes en hommage aux bâtisseurs de Roberval, le regretté Léonard Simard, il a exécuté les bustes de l’abbé Joseph-Ernest Lizotte, de Jacques Amyot et de Benjamin Alexander Scott. Lors du symposium Les monstres marins à l’honneur , en 2010 à La Baie, il a sculpté une sirène aux abords du Musée du Fjord.

Peintre prolifique de plus de 5000 toiles, il a réalisé la magistrale collection L’art est un miroir présentée à Chicoutimi dans le cadre des activités de Saguenay capitale culturelle du Canada 2010. Chaque tableau met en scène un peintre canadien décédé brossant sa toile, Jérémie réussissant l’exploit de recréer une œuvre dans le style propre au peintre représenté : du Ayotte, du Borduas, du Cosgrove, du Fortin, du Jackson, du Kriegoff, du Pellan, ainsi que du Villeneuve et du Barbeau. Partout où il a vécu, Jérémie Giles a laissé sa trace comme concepteur et responsable de plusieurs projets, incluant la sauvegarde du patrimoine bâti.

Sa force réside dans un caractère fonceur autant que frondeur, indépendant jusqu'à l'absolu qui n'a jamais retenu le sens du mot impossible. Qu'une idée traîne dans les parages, Jérémie la cueille comme d'autres ramassent les coquillages. Mais il ne se contente pas d'écouter le chant de l'océan d’une coquille vide collée à son oreille. Il n'aura de cesse que s'il parvient à faire entendre ce chant à tous les autres.

Le fondateur de l’Ordre du Bleuet a écrit : « La grandeur d’une société se mesure par la diversité et la qualité de ses institutions culturelles. Mais et surtout par sa volonté à reconnaître l’excellence du parcours de ceux et celles qui en sont issus. »

Alors, il est vrai de dire à son sujet : la grandeur d’un homme se mesure par la diversité et la qualité de ses actes. Mais et surtout par sa volonté à reconnaître l’excellence de ceux et celles qui, comme lui, contribuent à notre richesse culturelle et artistique. Incontestablement, il transcende l’esprit même de l’ordre qu’il a créé.

Le 15 juin 2013

JÉRÉMIE GILES

Fondateur de la Société de l'Ordre du Bleuet

pour sa contribution exemplaire à la vie culturelle au SLSJ

fut reçu membre de L’Ordre du Bleuet

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mercredi 30 septembre 2020

Jusqu’au 3 octobre à la Galerie 5 de Jonquière, Jérémie Giles présente son exposition « Cœur Battant »

 



 

Étrange moment que celui vécu hier, lors du vernissage de l’exposition Cœur Battant réunissant 60 tableaux de Jérémie Giles à la Galerie 5 de Jonquière. J’ai vécu des centaines de vernissages au cours de ma vie, mais jamais en compagnie de personnes masquées. Une exposition de la pandémie Covid-19, d’un artiste  qui ce sera démarqué toute sa vie par sa créativité et son engagement passionné envers les arts visuels. Il aurait mérité une foule plutôt que la succession de 10 personnes, se présentant au fil des heures, avec prudence mais non sans intérêt pour les œuvres.

 

Cette exposition, c’est la réponse magistrale d’un vivant qui, du haut de ses 94 ans, réplique à la Covid-19 que sa vie continue, que sa palette porte ses couleurs et qu’il les met, cette fois, au service d’une cause humanitaire, celle des soins palliatifs du Saguenay. Il y a, dans cette démarche un message émouvant, comme s’il disait que l’importance de l’acte de vivre devait dépasser une fin prévisible pour assurer au-delà de la dernière marche une qualité de soins respectueuse de cette vie en partance.

 

« Pour ceux et celles qui, comme moi, doivent s’isoler pendant cette période de «pandémie », j’ai pensé avoir recours à une de mes passions pour exprimer une forme de défense, qui n’est rien de moins qu’un exercice de résilience », explique Jérémie Giles

 

Évoquant une expérience de 1958, alors qu’il photographiait des fibres végétales et autres spécimens réalisés au microscope, il avait peint une série de tableaux appelés « Microscopiques » dont le dernier, peint en 1973 avait été choisi pour l’exposition « Palettes d’Artistes » présentée en 2011 au Musée des Beaux-Arts de Saint-Hilaire. À partir de cette expérience ancienne, il a conçu une série de 60 tableaux en petits et moyens formats. Le chiffre 60 correspond au nombre normal de battements à la minute.

 

Entourée de ces « battements », je me disais, hier soir, voir une mélodie harmonisée de 60 manières, à la fois différentes et semblables avec ce cœur rouge au centre de la pièce, les formes et les couleurs créant le rythme de cette partition si expressive dans son silence.  

 

Cœur Battant de Jérémie Giles, à la Galerie 5, au 2365 rue Saint-Dominique de Jonquière, au profit de La maison de soins palliatifs du Saguenay, jusqu’au 3 octobre.

 

 

Christiane Laforge

30 septembre 2020